Les axes de recherche et sujets prioritaires

L'unité PHYTOX cherche à clarifier les stratégies de succès des microalgues toxiques et nuisibles, ainsi que les rôles et les impacts des toxines algales.

3 axes de recherche

Pour mieux comprendre la physiologie des microalgues toxiques et nuisibles, et connaître la diversité, le rôle et le devenir des toxines produites, PHYTOX articule ses travaux autour des 3 axes suivants : 

Axe 1 : Mécanismes physiologiques et stratégies trophiques des microalgues toxiques et nuisibles

Une approche réductionniste [*] pour mieux décrypter la complexité des écosystèmes :

Les efflorescences de microalgues toxiques ou nuisibles (MTN) sont observées depuis des décennies sur les côtes françaises mais leur phénologie et les conditions environnementales qui contrôlent leurs apparitions sont encore mal comprises. Chaque espèce possède des caractéristiques physiologiques propres, appelées traits physiologiques, qui lui permettent d’être performante dans des conditions environnementales données. Les MTN ont souvent des taux de croissance et des affinités pour la lumière et les nutriments faibles, ce qui en fait, à première vue, de piètres compétiteurs dans l’environnement naturel. Pourtant, ces microalgues ont développé des stratégies physiologiques particulières (mixotrophie, résistance/survie…) qui leur permettent de prospérer dans certaines niches écologiques (e.g. faible salinité, milieux anaérobies, faible disponibilité des nutriments…). Pour mieux comprendre l'écologie des MTN dans un contexte de perturbations climatiques et anthropiques, il est donc essentiel de caractériser ces compétences physiologiques qui leur procurent un avantage écologique dans des conditions environnementales spécifiques. Dans cette approche réductionniste, on s’attachera à étudier les interactions entre les différents facteurs abiotiques (température, éclairement, salinité ou pH…). Les traits physiologiques clés identifiés et caractérisés en laboratoire pourront ensuite être recherchés dans l’environnement.

[*] Réduisant ou simplifiant la complexité inhérente des systèmes naturels

Axe 2 : Ecologie chimique : rôle des toxines et autres métabolites algaux dans les interactions biotiques

Bien que l’océan nous apparait comme un vaste ensemble homogène et dilué, à l’échelle des microalgues cet environnement peut être extrêmement hétérogène, constitué de micro-environnements (niches) où les microorganismes co-existent et interagissent physiquement et chimiquement. De plus, les microalgues interagissent également avec la faune environnante, dont la survie peut être altérée par l’exposition aux composés ichtyotoxiques produits par certaines espèces, pouvant fragiliser les ressources aquacoles et halieutiques. Cependant, les processus et facteurs impliqués dans l’induction et la régulation de ces composés chimiques, ainsi que leur rôle dans le succès écologique des MTN et leurs effets sur les espèces marines exploitées sont encore mal compris. Dans ce contexte, nous nous intéressons aux :

(1)    interactions intra- et interspécifiques entre microalgues (e.g. les interactions entre souches toxiques/non toxiques ou entre différents chémotypes d’une même espèce, et les interactions entre espèces de microalgues productrices ou non de toxines),

(2)    interactions au sein de la phycosphère entre les MTN et les bactéries associées (microbiome),

(3)    interactions entre les MTN et les animaux marins (e.g. mollusques et poissons).

Notre stratégie de recherche repose sur une approche intégrée des interactions biotiques des MTN avec d’autres micro-organismes, notamment via la co-culture, ceci dans des conditions contrôlées. Des données issues des approches d’écologie microbienne (metabarcoding), de génomique fonctionnelle (transcriptomique et protéomique), de métabolomique (holistique et ciblée) et d’écotoxicologie (bio-essais) sont intégrées pour mieux comprendre l’ensemble des processus impliqués dans les interactions.

Axe 3 : Risques actuels et émergences toxiniques : bio- et chimiodiversité à travers les écosystèmes

Cet axe de recherche propose de clarifier la biodiversité des MTN dans toutes ses composantes, y compris la biogéographie, la diversité génétique et la chimiodiversité afin de mieux apprécier les risques actuellement posés par ces microalgues et leurs potentielles évolutions et émergences dans le contexte du changement global. De plus, la distribution des toxines algales et leurs transformations éventuelles dans les différents niveaux trophiques des écosystèmes seront étudiées afin de mieux apprécier les risques posés par les toxines et métabolites algaux pour la santé humaine (toxines) et animale (ichtyotoxines).

Biodiversité algale : la biodiversité est ici considérée surtout dans ses aspects de richesse taxonomique, d’abondance, de la répartition des espèces toxiques et nuisibles et de la chimiodiversité associée (à pour la diversité fonctionnelle voir l’axe 1 qui étudie les traits fonctionnels des espèces en termes de nutrition et de stratégies trophiques). L’étendue géographique de cette approche ne peut être que mondiale et comprendra des chantiers en métropole, autant que dans les zones tropicales et tempérées ultra-marines.

Diversité chimique et découverte de nouvelles toxines : Pour une meilleure description de la biodiversité la composante « diversité chimique », en particulier celle des toxines, sera intégrée dans l’approche de classification systématique. Pour les espèces nouvellement décrites, l’ensemble des toxines connues pour le même genre seront analysées. Pour les espèces déjà décrites, un réexamen de leurs profils toxiniques sera réalisé aussi finement que possible. En plus des toxines, la diversité d’autres métabolites clés des microalgues sera analysée (ex. pigments, composés photo-protecteurs, osmolytes) afin de caractériser les spécificités des MTN (à axe 1 pour la fonctionnalité de ces composés). L’élucidation des toxines inconnues de microalgues ichtyotoxiques ou benthiques sera d’importance pour évaluer ces risques émergents.

Transformations des toxines et répartition à travers les niveaux trophiques : Les toxines produites par les microalgues sont souvent transformées chimiquement ou biotransformées lorsqu’elles sont accumulées dans différents compartiments des réseaux trophiques. Ces transformations compliquent les profils toxiniques et rendent l’évaluation du risque posé par l’ensemble des toxines d’un groupe plus difficile. Cette action se propose donc d’examiner les transformations des métabolites algaux par les animaux marins, avec un focus sur les microalgues émergentes et leurs toxines.

Distribution géographique des toxines et émergence : L’émergence des toxines sera examinée dans les écosystèmes français, en métropole comme en outre-mer. L’émergence des toxines est bien sûr liée à l’émergence des microalgues, en principe favorisée par les différents facteurs du changement global (changement climatique, transports maritimes, eutrophisation etc.). Si les facteurs physicochimiques du changement global impactant sur la potentielle redistribution des microalgues seront étudiés dans l’axe 1, l’axe 3 focalisera sur la détection de leurs toxines via des approches ciblées (EMERGTOX, à voir APP) ou non-ciblées. L’étendue de la répartition des toxines d’eau douce à l’interface terre-mer reste à clarifier pour soutenir l’évaluation du risque posé par ces toxines.

Méthodologies / approches / outils : Les descriptions morpho-génétiques des MTN seront basées sur différentes techniques de microscopie (à lumière naturelle, à épifluorescence ou encore électronique de balayage) associées au séquençage ciblé de gènes d’intérêt (e.g. opéron ribosomal, mitogénome, etc.), à partir d’échantillons de terrain et de cultures. Afin d’identifier les signatures génétiques d’espèces toxiques dans des communautés et éventuellement détecter des génotypes inédits, la technique de metabarcoding environnemental sera développée, en mettant par exemple à profit la technologie Oxford Nanopore qui permet de séquencer de longs amplicons couvrant plusieurs marqueurs d’intérêt taxinomique. La variabilité au sein des espèces sera appréciée au niveau phénotypique (ex. souche toxique et non toxique) et moléculaire, en particulier pars des études pan-génomiques. Les échantillonnages de terrain des microalgues planctoniques et benthiques et de leurs kystes seront réalisés via des approches classiques (échantillons d’eau à profondeurs fixes ou intégrant la colonne d’eau, de macroalgues, sédiments de surface) mais également par des techniques d’échantillonnage passif. Pour l’analyse des toxines et d’autres parties du métabolome des MTN, on utilisera des approches de chimie analytique ciblée (le plus souvent basées sur la LC-MS/MS) autant que les approches non-ciblées basées sur le fractionnement bioguidé couplé à la déréplication via la LC-HRMS, les réseaux moléculaires et des bases de données internes et externes.

 

Quatre sujets prioritaires

Les sujets prioritaires décris au projet d'unité pour la période 2022-2026 sont construits autour d’organismes modèles pour lesquels différents défis scientifiques et sociétaux sont identifiés:

Dinophysis pose à la fois un défi en biologie fondamentale via sa mixotrophie non-constitutive complexe mais aussi de par son fort impact sur la santé publique et le secteur conchylicole en France et mondialement.

Prymnesium est un haptophyte mixotrophe constitutif ichtyotoxique d’intérêt pour l’étude des interactions chimiques, métaboliques et trophiques au sein des populations microbiennes, impliquées dans la phénologie des efflorescences.

Gambierdiscus est un genre de dinoflagellé benthique/épiphyte à croissance lente qui produit une grande diversité de molécules dont de nombreuses toxines, qui affectent les consommateurs dans l’océan Atlantique, y compris les Antilles mais qui restent à identifier.

Microcystis est une cyanobactérie modèle qui permet d’étudier les processus émergents à l’interface terre-mer qui risquent de poser des problèmes pour la santé publique dans des scénarios futurs du changement climatique. L’unité Phytox a déjà acquis des compétences et des connaissances sur ces quatre sujets fédérateurs et pourra donc rapidement proposer des projets de recherche aux échelles nationales, européennes et internationales.